maginable. Toujours en contact avec une foule de musiciens,
de professeurs, d’élèves, enfin avec la publicité qui ne m’épargnait
guère (après ma dernière direction de Tristan, le journal
le plus lu louait le dévouement que j’avais mis à l’étude de
l’œuvre de l’ami de ma femme), je n’avais que le choix entre
deux situations, celle d’être considéré avec la plus injurieuse
pitié comme un individu ignorant ce que tous les gens
savaient, ou celle d’être taxé d’infamie comme ayant accepté
le plus honteux marché comme favori d’un favori du roi.
En même temps, les journaux annonçaient, avant que j’eusse
fait le premier pas, la proximité de mon divorce. Il n’y a
pas de sacrifice que je n’aie essayé pour obtenir le divorce
selon le mode le moins scandaleux, le plus amiable. Mais je
ne puis changer la législation prussienne. « Par consentement
mutuel », impossible. Il ne reste plus que la plainte
pour « désertion ».
« Je crois avoir été beaucoup trop prolixe dans mes explications. Puissent-elles servir, Madame, à me préserver d’un jugement injuste de votre part, lequel me donnerait le seul chagrin possible encore pour moi. On dit le temps réparateur de beaucoup d’injures ; mais cette puissance a des limites ; je suis trop couvert de honte pour pouvoir en attendre quelque bénéfice. Je me sens exilé de ma patrie de musicien, exilé de tous les pays civilisés. Je tâcherai de traîner mon pauvre avenir dans la position obscure d’un coureur de cachets, en donnant des leçons de piano. Il n’y a que la satisfaction d’avoir trouvé ici-bas l’entière compensation de mes péchés qui me soutienne encore. Je n’attends point de réponse, Ma dame, je ne vous récrirai plus, mais, encouragé par votre offre de sympathie et d’amitié, je vous demande le service de ne point juger avec une sévérité injuste votre très respectueux serviteur
Hans ne s’était pas trompé. Il fallut juste une année pour que le divorce fût prononcé. Ce temps d’attente, Wagner le consacra à l’achèvement de Siegfried. Mais, bien qu’il eût