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RICHARD WAGNER


mand au lieu du frac français. Il était sérieux, chaste, pieux sans cléricalisme » amateur de poésie dramatique. Mais il ne se rendit pas compte tout le suite que dans le théâtre « réside le germe et la moelle de tout développement national, tant dans le domaine de la poésie que dans celui de la morale ». Et cela parce que si le théâtre n’est pas aux mains des grands enchanteurs, il tombe dans celles des « furies de la trivialité », les « gnomes grossiers de la jouissance désœuvrée » et sous la direction des bureaucrates retraités. Infiniment pernicieux ou infiniment salutaire est donc le rôle du théâtre. Or, le fondement même de tout art théâtral est la pantomime, qui n’est qu’une imitation de la nature. C’est là le réalisme, la singerie, nécessité évidente, mais basse. En regard, le poëte a le devoir d’interpréter ce réalisme, d’en reproduire les qualités essentielles, d’en dégager le caractère. Et, par cette limitation, il parviendra peu à peu à une représentation de l’objet qui corresponde à la notion d’un idéal. Wagner analyse ensuite le caractère du Français, ce mélange de « singe et de tigre » (d’après Voltaire), devenu avec les siècles un comédien si parfait, que l’Europe entière eut l’ambition de le cootrcfairc. L’Allemagne s’y usa. Elle n’avait pas observé qu’à Paris le public était immense et toujours renouvelé, un théâtre finit par se spécialiser et une pièce y tient l’affiche cent ou deux cents jours de suite. Sur la scène des petites résidences allemandes, en » revanche, elle se consomme en dix ou quinze fois. L’obligation d’avoir à distraire tous les soirs un seul et même public créait donc une difficulté capitale, à laquelle on ne put remédier qu’en enflant le répertoire d’une quantité effroyable de pièces appartenant à tous les temps et à toutes les nations. Expédient coûteux et mauvais. Il fallut recourir au système des « abonnés » et à la bourse des princes. Les uns et les autres eurent leurs exigences. Il en résulta le chaos, et le Hoftheater devint ainsi « le Panthéon de l’art moderne ». De là à mettre n’importe quel livre, n’importe quel poème au théâtre » il n’y avait qu’un pas. On le franchit. Il n’y en eut guère de plus grand à faire pour les mettre en musique. On le sauta aussi. Faust fut chanté ; le Guillaume Tell, de Schiller, retraduit du français et vocalisé par Rossini.

Pour réagir contre ces blasphèmes » il fallait donc re-