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L’IDYLLE DE TRIBSCHEN


partit donc, arriva pour Noël à Munich, s’installa chez les Bülow, et aussitôt le travail commença.

Wagner revit le roi, obtint de lui le remplacement de l’ancien intendant des théâtres par le baron de Perfall, et Bülow reçut l’ordre d’assumer la charge entière des Maîtres. C’est ce que Hans désirait. Malgré sa santé délabrée et l’usure de ses nerfs, il recherchait cette fuite dans le travail, seul oubli possible de son drame conjugal. Et maintenant, qu’il reçoit à demeure chez lui son maître et son rival, plus que jamais ce supplicié se dévoue-t-il à son bourreau. Ils choisissent ensemble les chanteurs : Mlle Mallinger et Mme Diez, MM. Vogi, Betz, Schlosser, Hœlzel, Nachbaur (futur grand favori du roi). Ils confient au jeune Hans Richter les répétitions des chœurs, le dégrossissent de certains solistes. Et Cosima, de son salon, conduit de nouveau la stratégie indispensable autour de Louis II, jusqu’au jour où, après plusieurs mois de travail, lec rideoau se lève une fois de plus sur une « grande première » de Richard Wagner.

C’est le 21 juin de 1868 que l’événement a lieu qui proclame non plus seulement la gloire universelle du compositeur, mais le nouveau développement de ses doctrines musicales et politiques, sa métamorphose de révolutionnaire en impérialiste. Pour la première fois, on voit flotter à l’opéra l’étendard d’un art national allemand. Wagner a préparé soigneusement son terrain par une série d’articles dans la Süddeutsche Presse, qu’il réunit en brochure sous ce titre Art allemand et politique allemande.

Comme il l’a souvent fait dans ses pamphlets antérieurs c’est par des comparaisons entre l’art français, tout d’imitations, de règles, de perfection formelle, et l’art allemand, populaire, indiscipliné, mais profondément libre et poétique, qu’il introduit son sujet. Honneur à Winckelmann et à Lessing, qui découvrirent les divins Hellènes, leurs aïeux, et révélèrent aux Allemands l’idéal pur de la beauté humain, en face d’une société civilisée à la française ! Honneur à Gœthe, qui réussit à marier Hélène à Faust ! Honneur à Schiller, qui donna à l’esprit régénéré la formule de « l’adolescent allemand ». C’est l’adolescent allemand qui sauva l’Europe du joug de Napoléon. Après sa victoire sur le successeur de Louis XIV, cet adolescent reprit le vieil habit alle-