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RICHARD WAGNER


dépenses. Von der Pfordten est un ultramontain, qui a évincé peu à peu tous les fonctionnaires de l’ancienne équipe gouvernementale, pour les remplacer par des réactionnaires dont le loyalisme monarchiste flatte le goût qu’a le roi pour un pouvoir absolu. Et il va de soi que les nouveaux venus sont radicalement hostiles au règne menaçant des artistes. « Si les princes comprenaient mieux leurs devoirs, dit Pfordten, la musique de Wagner serait interdite partout. »

Cependant les journaux conservent leur libre langage, critiquent le Cabinet, mais ils sont tous d’accord pour déplorer l’influence occulte de « certain personnage ». Ne vient-il pas de se faire remettre 40.000 goulden sur la cassette royale ? L’occasion est donc propice de dériver sur Wagner le mécontentement public. Et dès lors la presse, adroitement manœuvrée, fait front unique contre le compositeur. On dit qu’il veut toucher à la Constitution, préconise des réformes dangereuses, attaque tout le vieil édifice royal et bourgeois de la Bavière. Wagner devient Lolus, masculin de Lola (Montès). On parle du carnaval qui se prépare, non plus conduit cette fois par la cravache d’une écuyère, mais par la baguette d’un chef d’orchestre. Il ne s’agit plus seulement de musique de l’avenir, dit Le Messager du Peuple, mais de politique de l’avenir. Wagner veut supprimer l’armée ! « Ce musicastre appointé, qui était jadis à la tête d’une bande d’incendiaires assassins et voulut faire sauter le Palais Royal de Dresde, se propose à présent d’écarter du roi ses fidèles, de l’isoler, et de fomenter un parti révolutionnaire qui appliquera ses doctrines de traître. » Le roi est pris à partie pour sa faiblesse, sa prodigalité aveugle. On accuse même Wagner d’avoir réduit sa femme à la mendicité. Si bien que le peuple, toujours impressionnable, s’émeut à son tour et se demande si le mal wagnérien n’est pas une gangrène qui envahira peu à peu tout le corps social. L’intervention chirurgicale s’impose. Un article où Wagner lui-même se justifie et dénonce les vrais agitateurs, mit le comble à la rage des fonctionnaires. Et Minna adresse aux journaux une généreuse déclaration pour démentir les calomnies dont son mari est l’objet.

Louis II demeure d’abord ferme. « Ô mon aimé, comme tout nous est rendu difficile ! Votre pensée me soutient toujours. Je n’abandonnerai jamais mon « unique », le déchaî-