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RICHARD WAGNER


haeuser, Lohengrin. — 1867-68 : grande représentation de l’Anneau. — 1869-70 : Les Vainqueurs. — 1871-72 : Parsifal. — 1873 : Belle mort finale et rédemption de celui qui a fait vœu. » Il écrit à Bülow le 1er juin, le 5, le 9 : « Je t’invite avec femme, enfants et bonne, à venir prendre tes quartiers d’été chez moi aussi longtemps que possible… Hans, vous me trouverez dans l’aisance, ma vie est complètement transformée, mais… ma demeure est déserte. Animez-la, au moins pour quelque temps, je vous en prie du fond de l’âme. Songez-y, c’est la phase la plus importante de ma vie qui commence… Vaste parc, promenades en bateau sur le lac, excursions dans les montagnes… Peut-être reviendrez-vous avec le papa Franz (Liszt). Toi, mon petit Hans, tu rétabliras à fond ta santé ; tu resteras aussi longtemps que possible (peut-être toujours !)… En vérité, mes chéris vous seuls manquez à mon bonheur. »

Cosima vint la première, avec ses enfants, à la fin du mois de juin. Son mari hésitait. Munich l’effrayait, et surtout Wagner, car il craignait de se retrouver, comme à Biebrich, annihilé, détruit. Cependant, il vint quand même, papillon ébloui par la lumière. Et, un peu plus tard, lorsqu’il fut reparti, il reçut de Wagner ces réflexions énigmatiques : « La santé de Cosima m’inquiète. — Tout ce qui la concerne est extraordinaire et insolite : elle a droit à la liberté, dans le sens le plus noble du terme. Elle est tout ensemble enfantine et profonde ; les lois de sa nature la conduisent toujours exclusivement vers ce qui est élevé. Personne ne pourra l’aider, hormis elle-même. Elle appartient à une humanité particulière, que nous devons apprendre à connaître à travers elle. Tu trouveras, dans la suite, des loisirs pour méditer ce sujet et prendre noblement ta place à ses côtés. Cette pensée me console. »

C’est que la vie de Wagner est revenue au mode tragique, retournée au « fatal ». Au moment d’atteindre la paix par l’âge mûr et la fortune, il a tout remis et question. Le Voyageur refuse de débarquer au port. Il repique au grand large. Il déserte déjà cette patrie royale pour reprendre les vieux parcours incertains, les seuls qui le puissent conduire à soi. La mort qu’il cherche n’est pas une couronne de lauriers, d’honneurs académiques, d’ambitions satisfaites ; c’est la mort du pèlerin qui revient de Rome maudit par le Pape, mais pardonné de Dieu. Ce n’est pas le Vénusberg qu’il veut