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RICHARD WAGNER


continuelles et l’on vit Dietsch battre sa mesure à lui tandis que le compositeur, assis sur la scène, battait la sienne avec les mains et les pieds. Cela ne facilitait pas la tâche du personnel. Wagner demanda le remplacement de Dietsch et s’offrit à conduire lui-même. Mais les statuts de l’Opéra ne permettant pas à un auteur de diriger ses œuvres, il fallut s’incliner. L’empereur, sollicité d’intervenir, ne put rien contre la « règle ». À titre de compensation, on accorda à Wagner autant de répétitions qu’il en pourrait désirer.

D’autres ennuis lui firent apercevoir dans le même moment que sa mauvaise étoile n’avait point disparu de l’horizon. Le percement d’une avenue nouvelle, décidé par le baron Haussmann, fit condamner une section de la rue Newton, et la maison de Wagner devait tomber sous la pioche à brève échéance. Son bail, payé en partie d’avance, devenait donc caduc pour cause de force majeure, mais le propriétaire refusait d’en rembourser quoi que ce soit à son locataire. Wagner se mit donc sans plaisir un procès sur les bras, dut voir des avocats, des présidents de Chambre et déménagea pour entrer dans une sombre maison, non loin de l’Opéra, au no 3 de la rue d’Aumale. Ces fatigues déterminèrent un refroidissement. Quelques jours après la fièvre monta, et Gaspérini diagnostiqua une typhoïde avec menace de méningite. Il fallut renvoyer Tannhaeuser aux calendes !

Pendant plusieurs jours, il délira, soigné avec dévouement par Minna et ce médecin providentiel. On eut de grandes inquiétudes. Puis son tempérament robuste reprit le dessus et le convalescent put enfin retourner au théâtre, où, naturellement, les répétitions avaient complètement cessé. Sa puissance, pourtant, n’avait point pâti durant ces semaines d’abscence. Au contraire. L’on s’en apercevait à l’hostilité grandissante du monde officiel et professionnel. Berlioz, Meyerbeer, les Débats étaient ouvertement contre lui. Même le comte Walewski, le successeur de Fould, prétendait lui imposer ce ballet du second acte, idée fixe de Royer. Wagner ne céda point, mois il ne garda plus aucune illusion : l’échec était désarmais certain. Il voulut retirer la pièce. Le ministre et l’Opéra se refusèrent à la lui rendre parce que les frais engagés étaient trop considérables. Tant pis. Ni Paris, ni l’Allemagne, ni la Suisse ne comprenant rien à ses exigences, cela