en formules, en combinaisons » (Messager du Théâtre). « Un
révolutionnaire, disait un autre, le Marat de la musique ! »
Quant au célèbre Fétis, il allait écrire dans sa Biographie
universelle des Musiciens : « Aujourd’hui la curiosité est satisfaite
et l’indifférence est venue. Cette musique, qui devait
être celle de l’avenir, est déjà celle du passé. » Toutefois les
Parisiens, au dire de Bülow, s’étaient comportés envers Wagner
avec plus d’intelligence, de courtoisie et de sens artistique
que les Berlinois. Au second et au troisième concert,
la salle resta presque vide ; on distribua en hâte des billets
de faveur. Mais si l’hostilité de la presse amenait une défaite
qui se soldait par un déficit de 11.000 francs, si Berlioz lâchait
dans les Débats un article perfide sur la musique de son
ancien ami, le parti pris, ainsi brutalement révélé, entraînait
soudain vers Wagner, par contre-coup, un vif courant de
sympathie. On ne comprenait pas encore très bien l’artiste,
mais on le devinait, car comment eût-on du premier coup
senti que son art était celui des transitions ? Et comment
l’eût-on senti dans un programme compoeé de fragments ?
« Cet arti-là est tout entier dépendant de la vie, écrit-il à
Mathilde Wesendonk, mais justement mon œuvre à moi est
de provoquer par ces transitions, par ces motivations nécessaires,
un état réceptif du sentiment. » Qui pouvait saisir ces
nuances ? Quelques artistes seuls, mais non pas le public. Car
pour Wagner comme pour tant d’étrangers, la France n’était
pas une terre de poëtes, mais un préau de rhéteurs, de grammairiens.
Notre langue étant trop précise et comme fermée
aux courants souterrains de l’instinct, la musique seule pouvait,
sésame de l’inexprimé, ouvrir les cœurs français. Celle
de Wagner réussirait-elle ce miracle ? Sa surprise fut
grande de recevoir de Champfleury une brochure qui le
vengeait. Plus vive encore lorsque Baudelaire lui adressa
deux deux de ces lettres incisives et spontanées qui remboursent
un artiste de toutes ses déceptions. Peu après, la belle
Mme Kalergi, apprenant ses déboires, lui fit parvenir en
toute simplicité la somme de dix millefrancs par l’entremise
de Malwida, « persuadée que ceux qui s’occupent de Wagner
ont plus à y gagner que lui-même ».
D’autres personnes encore se rallièrent peu à peu à la cause du musicien malmené, parmi lisquelles se trouvaient