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« TANNHAEUSER » À PARIS


aussi à Paris, et regrettait le temps de la rue du Helder et de la rue Jacob. Leur vrai Paris, c’était celui-là, le Paris de Rienzi, de la Faust-Ouverture et du Vaisseau Fantôme, le Paris du bon Kietz, de Lehrs, d’Anders et de Robber, la ville de la faim et de l’espérance. Tandis que le Paris de la barrière de l’Étoile, s’il devenait cité de gloire pour Richard, ne serait pourtant jamais qu’une caricature de leur bonheur passé. Elle haïssait ces inconnus élégants, ces curieux, cette Blandine Ollivier surtout en qui elle croyait sentir l’ennemie nouvelle, celle qui arrive à toute heure du jour, monte directement aux appartements du « maître » et nec prend même pas la peine de se faire annoncer à son épouse. Une petite personne impertinente et sans-gêne, affirmait-elle, comme sa sœur Cosima, dont on disait que Bülow avait déjà eu à souffrir. Ces deux « émancipées » ressemblaient fort peu à leur délicieuse grand’mère, la vieille dame Liszt, devenue sa confidente. Mais, quoi qu’il advînt, Minna ne céderait pas ; certainement pas. « Au contraire », écrivait-elle à une amie, « je n’échangerais mon Richard avec personne ».

Afin de préparer le public parisien à l’audition de son Tannhaeuser, Wagner résolut d’organiser au préalable trois coucerts, et il loua la salle Ventadour, où se donnait l’opéra italien. Bülow accourut pour aider son maître, et sous sa direction des copies furent faites de fragments du Hollandais, de Tannhaeuser, de Lohengrin et de Tristan. Mais les répétitions, déjà, furent houleuses, Wagner exigeait une forte discipline et les musiciens déclarant qu’ils ne voulaient pas être menés « à la prussienne ». Il fallut, pour reconquérir leur sympathie, les inviter tous à déjeuner.

Le 25 janvier de 1860, le premier de ces trois coucerts eut lieu devant une salle comble où l’on se montrait Meyerbeer, Gounod, Ernest Reyer, le vieil Auber et le maréchal Magnan » qui représentait la Cour. Mais Wagner n’avait pas invité la presse… Le public se montra bien disposé — la Marche de Tannhaeuser fut interrompue par les bravos — et les journaux, naturellement, ironiques ou malveillants. « Wagner est un grand musicien », disait le Ménestrel, « mais ses tendances sont déplorables. Cinquante ans de cette musique et la musique sera morte. » « Musique sans mélodie (c’était le reproche habituel), toute