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LA MORT D’ISOLDE


tème, à en contrôler le bien-fondé… Il s’agit avant tout de ceci : de prouver qu’on peut parvenir à un complet apaisement de la volonté par l’amour, et non par un amour abstrait, mais par l’amour sexuel lui-même, l’amour né d’une attraction d’homme à femme, chemin qu’aucun philosophe, non pas même Schopenhauer, n’avait reconnu comme celui du salut… Ce thème de réflexions m’intéresse de jour en jour davantage, parce qu’il s’agit ici de données que je suis seul à pouvoir fournir, puisqu’il n’y a jamais encore eu d’homme qui fût à la fois poëte et musicien dans le sens où je suis l’un et l’autre ; par conséquent, d’homme à qui fussent possibles, sur ces événements intérieurs, des vues telles qu’on n’en saurait attendre de personne d’autre.

… Je m’occupe de nouveau de Tristan depuis hier. J’en suis au second acte, mais quelle musique cela devient ! J’y pourrai travailler tout le reste de ma vie. Oh ! ce sera beau et profond ; les miracles les plus ravissants s’y adaptent si souplement à l’esprit ! Je n’ai jamais rien fait de pareil, et je m’épanouis entièrement dans cette musique. Je ne veux plus qu’on me parle de la finir. Je veux vivre éternellement en elle. Et avec moi vivra…


Fragments de lettres.


Du 20 novembre 1858. — …Encoce plongé dans la philosophie. Je suis parvenu à d’importrants résultats, qui complètent ceux de mon ami Schopenhauer. Mais je préfère ruminer ces choses en esprit plutôt que les écrire. En revanche, les esquisses poétiques se présentent à moi activement, et en nombre. Le Parsifal m’a beaucoup occupé ; une idée singulière entre autres, celle d’une femme étrange et démoniaque (la messagère du Graal), divient toujours plus vivante dans mon esprit et me fascine. Si je parvenais à mettre sur pied ce poëme, ce serait quelque chose de très original. Je me demande combien de temps il me faudra vivre encore pour mettre à exécution tous mes projets…

Du 19 janvier 1859. — …Merci pour le beau conte de fées, amie. Il est fort limpide et, comme tout ce qui vient de vous, m’apparaît toujours revêtu d’un caractère symbolique. Hier, votre message me prévint justement à l’heure et dans l’instant