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RICHARD WAGNER


cherchait à s’étourdir dans le silence d’un été radieux où la maison voisine, aux volets clos, ressemblait à quelque palais abandonné de la campagne toscane. Le jardin était rempli de fleurs, de chants, de Dianes et de Zeus en marbre, appariés d’Italie. Devait-il quitter si vite les lieux où il venait seulement d’apprendre l’amertume délicieuse de vivre ? Saurait-elle pardonner ? il alla trouver Mme Wille, qui était sa confidente et celle de Mathilde. Et cette femme délicate s’entremit de bonne grâce. Oui, Mathilde pardonnait, puisqu’elle aimait. Une lettre l’apprit un jour à Richard. Sa joie fut profonde, grave. Il semblait qu’elle effaçât de son cœur tout ce qui encore y demeurait d’égoïste. Mais s’il se voyait comblé par cette fidélité dans le désespoir, la certitude d’être aimé lui apportait une force inaottendue, la seule capable de l’aider à trausposer ses sentiments dans le monde mystique qu’il voulait désarmais atteindre : la farce du renoncement.

« Mon enfant, écrit-il le 6 juillet à Mathilde, je ne cannais qu’une seule guérison, et celle-ci ne peut venir que du plus profond du cœur, non d’aucune circonstance extérieure ; elle s’appelle : la paix. Paix de ma nosta1gie, paix de mes désirs, noble at méritoire maîtrise de soi. Vivre pour les autres — seule consolation envers nous-mêmes. Tu vois mointenant tout entière la disposition décisive de mon âme. Elle s’étend sur toute ma manière de regarder la vie, sur mon avenir, sur tout ce qui m’est cher, donc sur toi, qui m’est la plus chère. Laisse-moi, sur les ruines de ce monde douloureux, te rendre heureuse… Je ne vous ferai pas visite souvent, et vous ne me reverrez désormais que lorsque je serai certain de vous montrer un visage paisible et gai. Je te recherchais, naguère, pour t’apporter mes souffrances et ma mélancolie ; cela ne doit plus être. Si tu ne me vois pas de longtemps, prie pour moi en silence. Car ainsi tu sauras que je souffre. Mais si je reviens, sois certaine que je vous apporterai à tous deux des dons nouveaux et tels qu’il m’est peut-être réservé à moi seul d’en répandre, à moi qui ai tellement et si volontairement souffert. Probablement, certainement même, le temps viendra bientôt — au début de cet hiver déjà — où je m’éloignerai de Zurich… Mon enfant, ces derniers mois ont considérablement blanchi les cheveux de mes tempes. Il y a a en moi une voix qui m’appelle désespérément vers le repos —