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CHAPITRE II

OPÉRA ET DRAME. — LE MYTHE D’ŒDIPE


De nouveau, l’existence, l’habitude, les obligations journalières ramenèrent chez lui cet évadé bien enchaîné et refermèrent sur son espoir déçu la porte conjugale. Minna avait déménagé durant la fugue de son mari et s’était installée dans une maison modeste, au bord du lac de Zurich, qu’on appela bientôt la « Villa Rienzi ». Et, grâce à sa faculté de s’adapter aux circonstances, qui si souvent sauva Wagner de lui-même, il se reprit à vivre, à travailler, à attendre l’impossible. En somme, il se sentait soulagé du poids des résolutions extrêmes. Minna ne posa aucune question. Le paysage était gai, optimiste ; Peps retrouva sa place derrière la chaise de son maître et Papo lui fit fête en sifflant la Marche finale de la Symphonie en ut mineur ou un motif de l’ouverture de Rienzi. Les disputes entre Minna et Natalie avaient, hélas, recommencé aussi (car la jeune fille ne se soumettait pas volontiers aux ordres de celle qu’elle croyait sa sœur), mais c’était là chose usuelle. Et la nouvelle que Liszt allait monter Lohengrin à Weimar, donnait à l’avenir une couleur heureuse. Événement d’importance pour Wagner et qui entraînait, avec l’ami si dévoué, une correspondance intensive. L’exilé espérait même pouvoir, à cette occasion, rentrer en Allemagne ; mais Liszt lui en démontra l’impossibilité absolue et prit la charge entière des répétitions d’orchestre, de la mise en scène et des représentations, pour lesquelles Wagner lui adressa, avec sa fièvre coutumière, les recommandations les plus prenantes.