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ZURICH — « ART ET REVOLUTION »


grait les amis de son mari, raillait Zurich, regrettait le beau passé de Dresde et rêvait de retourner à Paris. Richard se plongeait dans Feuerbach et écrivait un livre nouveau, complément du précédent : L’Œuvre d’art de l’avenir.

C’est encore un travail de poète. Wagner n’avait ni le bagage philosophique nécessaire à une escrime d’idées, ni une culture assez étendue pour étayer solidement ses postulats d’artiste. Mais cet essai sans préjugés, inspiré par ses lectures de Feuerbach et de Schlegel, n’en est ni moins brillant ni moins ingénieux. Wagner y développe de nouveau les « pourquoi » de l’épanouissement merveilleux que fut l’art grec, l’art humain par excellence, représentation vivante d’une religion. C’est là le fondement de sa croyance. Danse, musique, poésie, trois sœurs inséparables, dont l’union forme le mouvement même de l’art. Car rien n’étant indépendant dans la nature, la seule liberté réelle de l’homme est l’union des forces qui expriment ses désirs. Et cette convergence de volontés forme le drame. Retraçant ensuite le développement historique de la danse, de la musique et de la poésie, il en revient à ce drame, « apogée d’un désir collectif de communication artistique ». Mais le drame ne sera nullement cette alliance arbitraire et honteuse de l’opéra moderne, où chaque art étant redevenu corps séparé, la musique « flotte ci et là entre la jambe de la danse et le livret. » La rédemption de l’œuvre d’art musical ne pourra être obtenue que par l’absorption des trois genres qui le composent, dans un mutuel amour, une parfaite interprétation. « Qui sera donc l’arbitre de l’avenir ? Sans aucun doute, le poëte. Mais qui sera le poëte ? Incontestablement l’acteur (celui qui agit). Qui, d’autre part, sera l’acteur ? Nécessairement, l’association de tous les artistes ». Quant à l’œuvre représentée, elle est une branche de l’arbre de la vie, branche qui « poussée inconsciemment et involontairement sur cet arbre, a fleuri et s’est fanée selon les lois de la vie, puis, détachée de lui, a été transplantée dans le sol de l’art pour y pousser une vie nouvelle, plus belle, impérissable ». Encore faut-il que cette action se « termine en même temps que la vie du personnage principal qui la détermine ». Ce sera donc une glorification de la mort ; d’une mort non fortuite, mais nécessaire. « La glorification d’une telle mort est la chose la plus digne qui