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CHAPITRE PREMIER

zurich. — art et révolution


Où s’installerait-il pour vivre ? Où le poëte, délivré de sa chaîne professionnelle, délié de son serment au roi par ce mandat d’arrêt, détaché peut-être — par les propres mains de sa femme — du poids mort qu’étaient Minna et Natalie, où planterait-il maintenant sa tente légère ? Zurich lui plaisait, ville aimable, gaie, qu’habitait son ami Muller, vieux camarade des temps lointains de Würzbourg. Mais Zurich était mal fournie en orchestre, en opéra. Et Liszt avait préparé les voies à Paris. Il avait écrit à son ancien secrétaire, Belloni, pour lui recommander Wagner, et venait de publier sur Tannhaeuser, dans le Journal des Débats, un article magnifique, grisant… Ne fallait-il pas profiter de ces circonstances favorables ?

Wagner partit donc presque aussitôt pour la « Babylone moderne », ville haïe, toute chargée du souvenir des souffrances qu’il y avait endurées ; ville désirée, invaincue, « hideuse image », mais toujours fascinante pour l’imagination… Il y trouva le choléra, comme autrefois à Vienne. On n’entendait que le roulement lugubre du tambour au passage des cadavres qu’emportaient les gardes nationaux. On ne voyait que des garçons de recette chargés de sacs ou de portefeuilles, comme si « la vieille ploutocratie, ayant triomphé de la propagande socialiste après avoir tremblé devant elle, s’efforçait