révolutionnaires. Et le nouveau cabinet, qui a pris en main
les affaires publiques, le comprend si bien, qu’il a mobilisé
deux divisions de soldats prussiens aux frontières de la
Saxe. Cependant les clubs et députations de toutes nuances
conjurent le ministère de remplir les promesses royales et de
se rallier à une constitution d’Empire. Refus cassant. Wagner
assiste le 3 mai à une réunion de l’Union des Patriotes, où il
remplace Rœckel, qui a dû prendre la fuite. On y discute
dans une grande confusion. En sortant de la salle, Wagner
arrive place de la Poste lorsque soudain, de la tour de l’église
Sainte-Anne, le tocsin retentit. « C’était une après-midi très
ensoleillée. Et aussitôt j’observai le même phénomène que
celui décrit par Goethe quand il cherche à se rendre compte
de la sensation que lui produisit la canonnade de Valmy.
Toute la place me parut baignée d’une lumière jaune presque
brune, à peu près comme à Magdebourg le jour de l’éclipse
de soleil. J’éprouvai une sorte de profond bien-être et une
envie de rire de ce qui m’avait semblé si grave jusqu’alors. »
Au Vieux Marché il rencontre la Schrœder-Devrient, arrivant
de Berlin, bouleversée par l’émeute qu’elle a vue et redoutant
de trouver des violences pareilles dans sa bonne ville de
Dresde. Le Conseil municipal lance une proclamation contre
l’entrée des troupes étrangères (les divisions prussiennes), et
les bagarres commencent. Un parti populaire veut s’emparer
de l’arsenal. Les soldats tirent quelques salves à mitraille. Premiers
morts, premiers blessés. Wagner voit passer un garde
municipal en sang ; forte émotion. On crie « Aux barricades ! »
La foule l’entraîne. Un bossu se frotte les mains de plaisir et
fait songer Wagner au scribe Vansen, dans l’Egmont de
Goethe. Encore et toujours du théâtre. « Enfin, après une si
longue attente, la révolution est là ! »
L’Hôtel de Ville devient le siège de l’insurrection. Le roi étant parti pour la forteresse de Kœnigstein, les rebelles en voient une députation au ministère. Il a décampé avec la Cour. C’est donc la guerre civile. Wagner se précipite chez l’imprimeur du journal de Rœckel et lui fait composer une affiche portant ces seuls mots. « Êtes-vous avec nous contre les troupes étrangères ? » On en colle aux coins des rues et aux barricades dans l’espoir d’amener la défection des soldats saxons. Le musicien en distribue lui-même aux mili-