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APOLLON ET MARSYAS


trouve aussitôt suggérant des idées pour l’Assemblée de Franctort : 1o dissolution de l’ancien Bundestag et élection d’un parlement nouveau : 2o introduction du système des milices helvéiques ; 3o alliance offensive et défensive avec la France. Il envoie même un poème « Salut de la Saxe aux Viennois » à la Gazette d’Autriche, qui l’imprime sous sa signature. Jeu dangereux ; il n’en a cure. Dans la Gazette de Dresde, il publie un premier article intitulé « République ou Monarchie » où il exalte cette idée, chère à tant de libéraux, d’une monarchie républicaine. Connaissant le prestige de son éloquence, Roeckel le pousse à la tribune du club et, devant 3.000 personnes, Wagner en donne une lecture énergique. « L’effet fut terrifiant ». Car c’était une attaque d’une violence inconnue contre le Roi, les aristocrates, la Première Chambre, et un appel au suffrage universel où le peuple seul devenait législateur. « Plus l’homme est pauvre, plus naturel est son droit à édicter des lois qui le protégeront. » Mais c’était aussi une critique du communisme, dont les principes condamnaient toute intelligence supérieure, lot talent à la stérilité.

Trop de succès ! Wagner se trouve du jour au lendemain grande vedette et bien plus en vue encore qu’à son pupitre de chef d’orchestre. C’est une tribune nouvelle et nationale, où son ambition pourra s’éployer librement, escalader toutes les auteurs. Quelle revanche contre l’effacement graduel du Vaisseau Fantôme et de Tannhaeuser ! Mais si Wagner le pamphlétaire a conquis maintenant un public nouveau, Wagner le musicien risque fort de perdre le sien. L’effet causé par son discours est si profond, que la direction du théâtre juge plus sage de retirer même Rienzi de l’affiche, par crainte de manifestations. En outre, pluie de réflexions malveillantes dans les Journaux, inimitié des fonctionnaires et employés de la Cour, provocation en duel adressée à Wagner par le commandant de la Garde Communale. Des articles paraissent où il se voit de « petit roi de plomb », de « Docteur Richard Faust ».


« La Neuvième Symphonie, que serait-elle sans lui ?
« Que deviendrait le trône de la maison Wettina ?