fums pénétrants de l’admiration humaine. Ce n’est plus la
passagère griserie que donne le succès, mais la sympathie
vivante de ceux qui, sous votre vêtement, veulent palper
votre cœur. « Les femmes sont la musique de la vie », écrit-il
à Uhlig à propos justement de Jessie Taylor. Elles entendent
la mélodie d’une âme. Elles ont le pouvoir de modeler n’importe
quel visage à l’image de leurs sentiments. Et sans doute
les regards de ces adolescents, ouverts comme des fenêtres
sur leurs profondeurs limpides, ont-ils dès lors un sens
bieon plus vif pour l’amateur d’êtres qu’est Wagner que sa
popularité dans les coulisses. Un sens révolutionnaire aussi,
celui d’une libération du passé caduc, d’une régénération
physique, d’une accession au monde inconnu où retentit
lointainement l’appel d’Elsa. Enfin, c’est sur le chapeau de
Hans de Bülow et sur celui de son père qu’il vit pour la
première fois la cocarde noire, rouge et or de l’ancien Empire
Germanique, insigne des adeptes du régime nouveau.
Voilà où fermente l’avenir. Non dans ce Dresde arriéré ; non dans ce Berlin toujours si décevant, où le roi Frédéric-Guillaume IV fait monter Rienzi sans consentir à donner audience à son auteur, malgré les efforts persistants de celui-ci pour en être reçu. Car Wagner croit encore au pouvoir des monarques, à leur culture, à leur autorité. Il s’aperçoit maintenant qu’il en faut rabattre et que leurs enthousiasmes velléitaires s’émiettent vite devant les difficultés, pour aboutir à l’ironie courtoise de quelque vieux général chargé des menus plaisirs de Sa Majesté. Pas de zèle. Pas de nouveautés. Le grand vieux poète Tieck lui confie que le roi de Prusse met sur le même rang l’Iphigénie de Gluck et la Lucrèce Borgia de Donizetti. Donc Rienzi ne sera qu’une platitude de plus au répertoire, et Richard lui-même se désintéresse presque d’un effort dont il peut escompter l’insuccès. N’étaient son admiratrice Alwine Frommann et le professeur Werder (son visiteur nocturne après le Vaisseau Fantôme à qui, cette fois, il dédie Lohengrin), ces nouvelles semaines berlinoises ne lui laisseraient que le souvenir pitoyable de leurs pluies, de leur morne ennui. Désillusion professionnelle doublée d’une désillusion politique, puisque l’administration prussienne, son élite, son peuple, s’avèrent aussi faibles — au dire d’hommes renseignés — que ceux des autres États germaniques. Ce Fré-