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« TANNHAEUSER »


dre et dégager les idées avec la rigueur voulue, il devient nécessaire de s’écarter des indications du textc, lesquelles sont forcément conditionnées « par la facture des cors et des trompettes naturels, seuls connus de son temps » et employer à leur place les instruments chromatiques. Il faut même pousser la hardiesse jusqu’à oser transporter chez les trompettes la fanfare des instruments à vent, dans le début du dernier mouvement. Alors seulement devient claire « l’explosion chaotique d’un désespoir farouche », alors tout s’enchaîne, la lumière se fait et la parole s’impose comme un dernier et suprême cri.

Wagner chercbe un commentaire au drame beethovenien dans le Faust de Gœthe, et il rédige pour le public un programme explicatif. « Un combat, dans le sens le plus magnifique du mot, de l’âme luttant pour la joie contre l’oppression de cette puissance ennemie qui se place entre nous et le bonheur terrestre, telle semble être la pensée fondamentale du premier mouvement » Et il met en épigraphe au thème. principal ce vers : « Renonce, il le faut. Tu dois renoncer. » C’est la devise même de Tannhaeuser-Wagner. Avec le second mouvement, « une volupté sauvage nous saisit », un entraînement vers le bonheur inconnu. Dans le troisième, tout est apaisement et pressentiment d’amour. Il semble que Beetbover et Gœthe aient eu conscience de l’amour non tout à fait comme d’un pouvoir du cœur, mais surtout comme d’un élan vers la création.

Ein unbegreiflich holdes Sehnen
Trieb mich durch Wald und Wiesen hinzugeh’n,…
Und unter tausend heissen Thränen
Fühlt’ ich mir eine Welt entsteh’n
[1].

Le quatrième mouvement enfin, débute comme un cri, abandonne le caractère instrumental pur, jette cet émouvant récitatif des basses qui paraît s’avancer à la rencontre d’une voix et finit dans l’orage d’une possession triomphale. « Alors, avec la claire et sûre expression de la parole, s’élève unc voix humaine, et nous ne savons ce qu’il faut le plus admirer :


  1. Une indicible et haute nostalgie
    Me poussait à travers bois et champs,
    Et versant mille larmes brûlantes
    Je sentais sourdre de moi un monde nouveau.