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LES LAURIERS DE « RIENZI »


siffle gaîment quelque danse champêtre. À l’instant, Richard se figure qu’il est mêlé à un cortège de pèlerins qui défile dans ces solitudes. Le Vénusberg lui revient à la mémoire. Il jette aussitôt une esquisse et note les principaux motifs. Contrée décidément favorable à son imagination. Et qu’est-ce donc que l’inspiration ? Peut-être pas autre chose que le sentiment vivifiant de sa force, un sublil équilibre, et, tombant sur cet épanouissement physiologique, quelque mélodie de hasard qui soulèvera dans l’âme des mouvements rythmiques. Aussi revient-il à Dresde avec son butin nouveau et pressé maintenant de passer aux actes.

On se met enfin aux répétitions de Rienzi et Wagner se plonge dans cet univers de chanteurs, de musiciens et d’intrigues dont il sait depuis toujours qu’il est fait pour y vivre. C’est son climat, le monde qu’il peut et qu’il va pétrir. « La nature », certes, mais une nature recomposée, des villes imaginaires, des forêts de légende, et ces artistes sans autre volonté que la sienne, qui figureront toutes les vies dont il se sent habité. Avec cet instinct de conquête et d’organisation qui est le complément des énergies supérieures, Wagner étudie les forces dont il va disposer et les manques auxquels il faudra porter reméde,

Tout en haut de la hiérarchie : M. de Lüttichau, intendant général ; homme aimable, quand, grand fonctionnaire et prudent bureaucrate. Régisseur, peintre et costumier : Ferdinand Heine, un vieil ami des familles Wagner et Geyer, personnage-gnome, mais utile et d’un dévouement tellement parfait que Richard retrouve chez lui la sympathie dont il ne peut se passer. Chef des chœurs : Wilhelm Fischer, un vieillard. Mais quel vieillard ! Si ardent, si enthousiaste, que dès le jour où Richard va le voir, il s’élance vers lui les bras ouverts. Un tel accuell transporte le compositeur « dans une atmosphère d’espérance ». Chef d’orchestre : Reissiger, quarante quatre ans, compositeur fécond, banal, auteur d’opéras médiocres et dont la seule page célèbre est une valse intitulée : « La dernière pensée de Weber ». Ce Reissiger ne voit pas d’un bon œil sans doute l’arrivée dans son théâtre d’un si jeune collègue, et, comme il est fort paresseux, Wagner est obligé d’inventer un stratagème pour l’obliger au travail. Reissiger ayant besoin d’un livret pour utiliser une « mélo-