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RICHARD WAGNER


et un petit luxe d’intérieur lui devenait indispensable. Quelques bons meubles, quelques objets agréables ne sont-ils pas aussi nécessaires que la nourriture ? En outre, Dumersan semble de plus en plus certain du théâtre de la Renaissance. Et puis Laube a de nouveau surgi — le Laube du Journal du Monde élégant et de la Jeune Europe, le Laube de Dresde et de Berlin — et grâce à lui un petit groupe de Leipzickois fortunés consent à fournir au jeune Wagner une modique pension mensuelle.

Le 15 avril de 1840 ils emménagent donc au no 25 de la rue du Helder, au quatrième étage, à cinquante pas du boulevard des Italiens, dans le quartier le plus élégant du monde artistique et littéraire de Paris. Mais le jour même de leur installation, Lehrs leur apprend une catastrophe : la faillite du théâtre de la Renaissance. Cette nouvelle bouleverse Wagner. Il se demande si Meyerbeer, toujours si bien informé de tout, ne l’a pas précisément recommandé à ce théâtre pour être débarrassé de lui au Grand Opéra ! Par contre-coup — et avec cette énergie spontanée qui est la sienne dans les moments de crise — il se met d’arrache-pied à Rienzi pour le conduire cette fois jusqu’à son achèvement complet. Méthode instinctive de l’artiste, qui cherche à compenser toute rupture d’équilibre par quelque création. Et ce n’est plus à Paris qu’il veut faire jouer son œuvre, mais à Dresde, où l’architecte Semper a été chargé de construire un théâtre nouveau.

En attendant, il faut vivre. Wagner va donc chez Schlesinger (éditeur de la Gazette musicale, des œuvres de Liszt, de Chopin, et de tant d’autres musiciens) et il lui propose de publier ses Deux Grenadiers. Schleslnger n’y consent que moyennant cinquante francs déposés en garantie, et comme Wagner ne peut les donner, il offre au musicien de se libérer en écrivant pour sa Gazette des essais littéraires. Wagner rentre chez lui et se fait écrivain. Mais comme il ne peut être question de rédiger en français, il faudra faire traduire son travail, et à ses frais, naturellement. N’importe. Il jette aussitôt sur le papier une assez longue dissertation intitulée : « De la musique allemande ». L’article est remarqué. Schlesinger offre d’en publier la suite et Wagner lui fournit en quelques mois : « Du métier de virtuose et de l’indépendance du com-