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PARIS SOUS LE ROI-CITOYEN


qu’au bruit du canon et des fusillades dans les rues. » Wagner fait la connaissance d’un M. Dumersan, auteur de petits vaudevilles, qui met en vers français trois morceaux de la Défense d’aimer pour servir d’illustration dans une audition d’essai qu’il se flatte d’obtenir au théâtre de la Renaissance. Mieux : il recrute trois chanteurs en renom (dont Pauline Garcia, sœur de la Malibran, étoile qui vient de naître au ciel du boulevard), et il escompte déjà un engagement, le succès… Mais les choses traînent en longueur de manière inquiétante. Wagner va voir le fameux Lablache, pour lequel il a écrit un grand air de basse avec chœur, à intercaler dans son rôle d’Oroviste, de Norma. Mais Lablache ne consent pas à cette bouture et Wagner sent la honte lui rougir le front.

Il va enfin voir Scribc. Cc potentat le reçoit avec une parfaite bonne grâce et reudez-vous est pris pour une audition au foyer des artistes de l’Opéra. Au jour dit, Scribe paraît en compagnie de M. Édouard Monnais, directeur par intérim de l’Académle royale de musique, et Wagner accompagne au piano les trois airs choisis à titre d’excmple. Ces messieurs en déclarent la musique « charmante ». Scribe, comme toujours, consent à arranger le texte. Mais cette promesse n’eut pas plus de suite que les autres et cette fois le compositeur, frappé par la frivolité de cettc partition un peu oubliée, décide d’abandonner l’œuvrette sur laquelle il avait bâti tant de châteaux parisiens.

La seule mince satisfaction qu’il éprouve au cours de ces premiers longs mois, est l’exécution de son œuvre de Christophe Colomb aux répétitions des concerts du Conservatoire. Habeneck, le chef d’orchestre illustre en Europe, lui en a fait la promesse et il tient parole. C’est la première fois que le nom de Wagner s’imprime dans un journal français. « Une ouverture d’un jeune compositeur allemand d’un talent très remarquable, M. Wagner, vient d’être répétée par l’orchestre du Conservatoire et a obtenu les applaudissements unanimes. Nous espérons euteudre incessamment cet ouvrage et nous en rendrons compte. » (Revue et Gazette Musicale de Paris, du 22 janvier de 1840). Et cet incident heureux est l’occasion pour Richard d’une émotion qui a sur sa vie une influence capitale. Il entend, exécutée par le célèbre