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de femme forte :

Tu vas partir, Paul ; dans quelques instants, tu seras bien loin de nous. Ah ! il me semble que mon cœur va éclater à cette seule pensée… Tu pars, et c’est malgré nous tous ; c’est ce qui me fait de la peine. Si au moins tu allais là où le devoir appelle un fils ; là où la volonté d’un père te fait une loi d’aller… Partir ! mais tu ne sens donc pas que tu es heureux ici ; que nous sommes heureux tous, ensemble… Non, ne pensons plus à cela ; n’en parlons plus ; tu reviendras un jour, dis-tu ; oh ! puisse ce jour ne pas trop tarder. Pour moi, je ne me demande pas ce que je deviendrai, moi qui t’aime, quand tu m’abandonnes ainsi pour courir à l’étranger ; je me soumets simplement à cette rude épreuve… Pars donc, mon Paul ; ton souvenir, sois sûr, sera toujours là, en mon cœur ; chaque jour je prierai Dieu pour toi et lui demanderai de te faire aussi heureux que l’on puisse l’être ici-bas ; et Dieu m’exaucera, car la prière de ceux qui souffrent et qui aiment comme moi lui est toujours agréable… Mais toi, ne vas pas, au moins, m’oublier, car, tu sais, dans les grandes villes, là-bas, ça doit s’effacer vite, à la longue, le souvenir.

Paul pleura, lui aussi, à son tour…

Et, à cette heure, sur la route blanche et cahoteuse, bordée de grands arbres rabougris et