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disparaître dans le lointain, de minute en minute amoindri, aux pieds des montagnes pâles et neigeuses qui, au contraire, montaient, montaient, devenaient toujours plus immenses et plus confuses dans le ciel éteint… puis tout disparut enfin, à l’entrée du bois, et l’on ne vit plus derrière la carriole que la route longue, étroite et blanche, ne laissant pas même deviner, au bout, le clocher et l’humble toit que Paul vient de quitter et où il a passé des années si paisibles, au milieu d’êtres aimés… Reverrait-il jamais tout cela ? Quelque chose lui disait : jamais ! mais il n’y croyait guère.

En tous cas, il abandonnait volontairement tout cela, tous les êtres chers, les seuls qu’il aimât, pour aller à l’aventure devant lui et poser un pied incertain sur ce terrain mouvant et perfide d’un monde qu’on ne connaît pas…

Il partait seul… mais riche d’illusions, de trois bons baisers et d’une bourse assez bien garnie, que lui avait remise son père : sa part.

Est-il besoin de dire l’angoisse des adieux à la maison, ce matin du départ ?…

Sa mère, qui l’eût cru, fut la plus forte, au dernier moment. Après avoir pleuré toutes les larmes de ses yeux, les jours précédents, dans l’attente de ce malheur, au dernier moment, sa mère ne pleurait plus… elle le regardait, serré contre elle-même, pour le moment, oubliant tout et ne demandant rien de plus que