Page:Potvin - Restons chez nous!, 1908.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 66 —

en même temps, assez rigide pour demeurer ferme aux innovations excentriques. Ici, quand un changement s’impose, on l’adopte ; ça ne suffit donc pas ?… Cette routine, comme tu appelles ça, est plutôt de la modération, quelque chose qui tient le milieu entre l’esprit rétrograde et l’esprit révolutionnaire… En un mot, Paul, on se tient un peu sur le frein : c’est de la réserve ; et, ma foi, il est bon quelquefois que tous nos paysans ensemble, par un bon coup de barre, règlent l’élan de notre barque sociale, quand tant de pauvres fous menacent de la chavirer et battent bien trop fiévreusement cette mer ardente du progrès… Tu te plains aussi de ta soumission à des parents qui peuvent donner leur vie pour toi ; mais, là-bas, aux États-Unis, ne vas-tu pas te faire volontairement l’esclave soumis et dévoué de maîtres tyranniques !…

— Je vous demande pardon, monsieur le curé, mais vous voyez tout en noir… Ici, tout est rose, au contraire, tout, et il n’y a que des princes : là-bas des esclaves, des parias…

— Oui, et j’ai bien raison, mon pauvre enfant, de dire cela : mon âge et quelques voyages que j’ai faits me le permettent d’ailleurs… Ce que j’en ai vu arriver, moi, de ces pauvres désenchantés, émigrés dans la grande république américaine… Séduits par de perfides mirages, ils n’ont pu retrouver, une fois rendus,