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cette monotonie dans le travail, cette lenteur à avancer, à faire son chemin, ce train-train d’une vie que l’on passe à peiner, cette routine, enfin, d’un travail sans joie, sans amusement, sans distraction, je ne puis plus supporter cela… La routine, ici, on a bien droit de nous en accuser, nous autres paysans !… Et puis, voulez-vous que je vous le dise, monsieur le curé, j’ai vingt-et-un ans et, cette soumission quasi instinctive à des parents, qui sont bien bons pour moi, mais qui représentent l’autorité que je ne puis plus souffrir, cette soumission, dis-je, me pèse, et il me tarde d’essayer mes ailes, d’être livré à moi-même, enfin, de prendre les moyens qu’il me plaira et que j’aimerai pour gagner ma vie, pour avancer un peu, pour sortir d’une condition que nous faisons obscure volontairement…

— Ah ! ah ! ah !… mais sais-tu bien, mon cher enfant, que tu ferais un superbe révolutionnaire et que tu pourrais en remontrer à un Jacobin ; mais parlons sérieusement…

Le prêtre vit bien tout de suite, qu’il n’y avait rien à faire avec Paul, bel et bien résolu de partir ; mais il voulait profiter de l’occasion au moins pour dire, lui aussi, ce qu’il avait depuis longtemps sur son cœur d’apôtre et de patriote ; et il poursuivit :

— Tu déplores ta position obscure, tu te plains de la monotonie du travail auquel tu es