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Plusieurs années se succédèrent ainsi, heureuses, sans nuage, pour nos deux braves familles de colons…

Jeanne n’est plus la bambine d’autrefois ; elle est grande jeune fille maintenant et, dans le libre épanouissement de ses dix-neuf printemps, dans la pleine efflorescence de son âme, elle s’abandonne au seul bonheur de vivre, répandant autour d’elle, comme un astre, l’éclat inconscient de sa radieuse jeunesse et de sa pétillante gaieté.

Le temps était arrivé où l’amitié de l’enfance devait faire place à l’amour du jeune homme et de la jeune fille. Tous deux, Paul et Jeanne, s’y abandonnèrent délicieusement, sans que même ni l’un ni l’autre, un seul instant, se fût englué dans les pipeaux de la galanterie.

La tâche avait été douce et facile à Paul, Jeanne était jolie. Ses traits, sans avoir la noble régularité de la beauté, étaient gracieux dans leur mélange de douceur et de malice. Sans doute, elle n’avait pas cette beauté mignarde, ce teint vaporeux qui s’épanouit dans l’atmosphère artificielle et embaumée des salons ; bien préférable est cette robuste beauté, ce visage frais et rose que seuls peuvent donner l’air et les travaux des champs… Avec cette âme d’enfant, insouciante de l’avenir, le présent suffit amplement à Jeanne et elle s’y abandonne rieuse et légère, heureuse. Fille de