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tout-à-coup quelque nouvelle et mystérieuse puissance de divination ? entrevoyait-il quelques désillusions, quelques désespérances ?…

Pauvre Paul, pauvre enfant ; pendant que son cœur sans expérience se livre ainsi désarmé aux plus enivrantes sensations, il ne sait pas que son père, sous prétexte de fatigue, vient de quitter la pièce, triste, bien triste, et que sa mère, sa pauvre mère, pleure silencieusement en un coin, cachée dans l’ombre que découpe le foyer…

Comment se fait-il donc, hélas ! qu’à peine arrivés à l’âge de l’adolescence, nous ayons hâte de nous dégager des liens qui nous attachent au foyer domestique pour errer, souvent en bohèmes, au centre de quelque ville lointaine, où, inconnus et délaissés, nous ne tardons pas à déplorer et notre jeunesse qui s’en va et le bonheur que nous ne connaissons plus ?…

Ce n’est qu’après une expérience amère que nous reconnaissons enfin que les jours les plus heureux, les plus tranquilles de la vie avaient été passés sous la tutelle de notre mère, sous le doux regard de celle que la misère nous apprend enfin à aimer comme elle le mérite… Heureux est-on alors, si, après avoir goûté, comme le Dante, le « pain amer de l’étranger, » l’on peut retourner à la demeure paternelle, certains d’y retrouver encore l’amour et la tendresse que le cœur d’une mère et ce-