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étendue et en profondeur, malgré le milieu dépressif, malgré les ambiances simples et sans fièvre et tenaient une place cachée, prépondérante, dans l’homme aventureux qu’il allait, qu’il voulait devenir…

Il fallait qu’ils fussent bien domptés les deux grands bœufs roux que Paul conduisait d’une main si lâche, tandis que son esprit était si loin, si loin ; autrement, l’ouvrage aurait été à recommencer, assurément…

Visions douces et terribles à la fois, elles le suivent partout, le hantent sans cesse ; c’est une obsession, troublante, mais pleine de charmes pour lui. Le malheureux, au lieu de chasser, comme autant de mauvaises pensées, ces idées vagues d’inconnu qui troublent son bonheur, il les appelle, les fait naître. Aussi, elles le tiennent et ne le lâcheront plus…

La journée est close et le travail est fini ; c’est le soir, et la nature se voile doucement d’un agreste mystère : les ombres s’étendent, elles croissent, et descendent des collines en longs sillons… Autrefois, à cette époque des labours d’automne, à la tombée de ces nuits tristes d’octobre, Paul, appuyé sur le dos de ses compagnons de travail, regardait derrière lui l’ouvrage accompli, puis il s’en retournait joyeux, en chantant… aujourd’hui, il pousse un soupir de soulagement, quand il sent que la corvée est enfin terminée.