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venons de voir quatre bambins joufflus et à la tête hirsute s’amuser à se lancer du sable à pleines mains… ce jeune homme rêveur dort maintenant le sommeil éternel dans un coin perdu du cimetière d’un hôpital catholique de la métropole américaine. Au-dessus du léger renflement de terre qui indique sa tombe, il y a une petite croix de bois noir avec, dessus, une inscription en blanc :

PAUL PELLETIER,
Canadien
25 ans.

C’est tout.

Elle est bien seule, la tombe du petit Canadien, au milieu de milliers d’autres, étrangères toutes. Elle est seule !… Mais c’est le vœu de celui qui y est enfermé qu’elle reste seule longtemps, longtemps. Le pauvre enfant a bien souffert, les trois dernières années de sa vie, et, devant la mort, où tout égoïsme capitule, son dernier vœu a été de faire servir, en exemple à ses jeunes compatriotes et ses souffrances et ses misères d’exil, et il a désiré dormir seul, éternellement, sous la terre maudite de l’exil et de l’esclavage…

Et, en retour des prières et du souvenir qu’il demande de lui envoyer par delà les espaces, il nous crie, d’en dessous son tertre, et comme s’il était encore ici, il nous crie, tristement : « RESTONS CHEZ NOUS ! ».