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mains…

Jacques Pelletier, resté seul, a jugé qu’il ne pouvait plus cultiver sa terre, et il l’a vendue. Tôt ou tard, il fallait bien, d’ailleurs, que cette chose triste arrivât puisqu’il n’avait plus de fils… En vendant sa ferme, Jacques Pelletier terminait sa belle vie de colon et d’agriculteur. Son rêve, son beau rêve de défricher, de défricher toujours, d’ouvrir des terres, d’ensemencer, de récolter sans cesse, ce beau rêve n’était plus : Paul l’avait emporté avec lui, là-bas, dans la tombe.

Et maintenant lui et la fidèle compagne de sa vie, habitent, au village, près de l’église, une maisonnette de pauvre apparence, mais dont le jardin presque luxueux, qui l’entoure, avec ses fleurs, ses fruits et ses légumes de bonne venue, lui donnent l’aspect d’une villa de campagne, tout en révélant les goûts persistants d’agriculteurs obstinés de ceux qui l’habitent.

Durant les tristes après-midi d’hiver ou par les soirs mélancoliques des courts étés, Jacques Pelletier, en fumant sa pipe, aime à savourer avec une étrange persistance, la volupté de se griser des souvenirs de sa vie de colon, de ressusciter chacune des heureuses minutes passées, d’en appeler et d’en caresser tous les détails, comme un avare son trésor. Le Passé ! son dur passé de défricheur, c’est,