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d’un bureau, d’une banque, d’un magasin ou d’une usine, il rêve agriculture dès qu’il touche notre sol du pied. Or, jusqu’ici, il n’a fait que s’illusionner, que se flatter, que se vanter, sans qu’il ait songé une seule fois à se forger une cuirasse et à se faire les muscles en vue de la réalisation de son rêve. Il n’a pas pensé qu’ici, la terre ne consent à nourrir que l’homme décidé à lui sacrifier tout son être entier ; son corps, qui devra endurer le froid, le chaud, la courbature, les macérations de toutes sortes ; son esprit qui, dans le changement radical de méthode, de mœurs et de climat, devra sans cesse prévoir les contretemps, les accidents, les revers ; son âme, enfin, que l’épuisement des deux autres met dans l’impossibilité de reprendre son essor… Mais s’il n’est pas complètement aguerri, l’immigré, au moins, chez nous, aura toujours le théâtre nécessaire, indispensable au déploiement de son énergie, de ses forces et de sa bonne volonté. Il rêve d’agriculture ! eh bien, qu’il ceigne ses reins, qu’il brandisse la hache, qu’il empaume la pelle et la pioche et il aura le pain et le beurre quotidien, avec peut-être un morceau de fromage ; c’est quelque chose… Mais ce pain de chaque jour, comment le gagnera, à l’étranger, surtout dans cette Europe trop étroite, incapable de nourrir même ses propres enfants, le Canadien capricieux, que des salaires de plus