Page:Potvin - Restons chez nous!, 1908.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 201 —

puis, il en avait rabattu de ces illusions de jeune expérimenté. Et pendant ces heures exquises du soir, sur le navire qui l’emporte, tout lui parait, encore une fois, brillant, souriant, irisé de rose ; et il sent de nouveau son cœur battre d’une émotion tendre pour cet inconnu vers lequel il court, comme il y a deux ans. Sans doute il avait failli ; sans doute, durant ces longs derniers mois, il avait souffert ; sans doute, il avait dépensé beaucoup de force sans profit, mais au moins il avait vécu… il avait vécu un temps d’épreuves qui est utile, qui forge l’âme pour la vie… mais à la condition de ne pas durer toute la vie. Alors donc, à quoi bon vouloir sans cesse tendre les bras vers son cher passé, retenir par un pan de leurs robes sa mère et Jeanne, les chers fantômes qui s’enfuient… Face à l’avenir !

Toute cette transformation d’une âme, c’était l’œuvre muette d’un rayon de lune par une nuit calme, sur la grande mer bleue, d’un sanglotement de quelques flots et de la plaintive harmonie d’une brise nocturne… tant elle est vraie cette transfiguration du décor de la vie au travers de l’âme qui change. Non, ce n’est pas une fantaisie des poètes et des rêveurs d’associer la nature aux joies et aux tristesses de nos cœurs. La nature sourit ou pleure, aime ou s’irrite, vit ou meurt avec nous, que ce soit notre âme qui en transforme les