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« postes d’observation » où l’on peut apercevoir un coin de ciel bleu et quelques lambeaux de mer ; et Paul avait bien soin de s’emparer le premier de ces endroits quand, le soir, il était libre.

Et, dans ces minutes, bercé mollement avec le navire par les grandes houles du fond, il s’était perdu dans des extases contemplatives, en regardant la lune qui, là-haut, au gré de quelques légers nuages, versait tour à tour son crépuscule errant ou ses rayons d’argent sur les flots sombres. Alors, c’était pour lui comme la sensation d’un recommencement de vie, des bouffées d’espoir en des jours meilleurs, l’oubli des souffrances subies et des larmes versées. Il lui semblait que le navire, en ces instants, l’emportait loin de ces souvenirs de tristesse et d’angoisse. Il sentait tout-à-coup un afflux de sève, une avidité d’agir, de se mêler à la foule des hommes et de se donner plus de peines, de faire plus d’efforts, d’être plus homme, enfin. Que diable ! il y avait déjà eu des jeunes gens avant lui qui avaient été mêlés à la vie, qui s’étaient battus, qui avaient été poursuivis par les malheurs de toutes sortes, qui avaient été proscrits, exilés, et qui avaient triomphé… Il y a deux ans, à son départ de la maison paternelle, il s’en rappelait, la vie lui apparaissait toute rose, et elle lui promettait bien des caresses, bien des cajoleries. De-