Page:Potvin - Restons chez nous!, 1908.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 198 —

assourdi de douces paroles chuchotées à voix basse, de sanglots étouffés, de baisers renouvelés avec tendresse ou passion court sur la foule affairée où les plus bruyants baissent la voix par compassion pour la douleur qui passe près d’eux sous un voile… Des bouquets embaumés arrivent pour des voyageurs et des voyageuses qui partent, frêles souvenirs destinés à survivre le plus longtemps à l’arrachement des adieux, et les notes d’une fanfare se font entendre dans un kiosque, à l’extrémité des quais…

Pour Paul, il n’y a personne, ni sur les bords du navire, ni sur les quais. Aussi, son cœur déborde pendant qu’il songe à son vieux père, à sa bonne mère et à Jeanne, qui ne sont pas là pour assister à son départ. Pourtant, ce serait si bon à cette heure, de se sentir près des siens, de presser dans ses bras un être aimé !

La sirène mugissante annonça le départ.

Appuyé sur le sale bastingage du dernier pont, Paul suivit, les yeux secs, les groupes qui s’éloignaient des quais ; puis l’hélice battit le flot, et le lourd navire tourna lentement sur lui-même pour sortir du port et gagner la haute mer…

Alors, c’était fini, irrévocable ; quand il se retrouva là, sur ce bateau qui s’en allait, il lui vint au cœur un désespoir fou, une angoisse affreuse, dans laquelle il y avait de la terreur