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trottoirs luisaient à la clarté des pâles réverbères, allumés de bonne heure. Les rues, désertes, ressemblaient à des corridors grisâtres où s’engouffrait le vent. Sur les toits, le grincement strident des girouettes et des enseignes… Bientôt, ce fut la nuit, impénétrable et compacte. Des nuages énormes, entassés dans le ciel, étouffaient les rayons d’un mince croissant de lune…

Plus que jamais en proie à la nostalgie, Paul s’avançait au milieu de ce mélancolique aspect de la nature malade, à travers le labyrinthe des rues mal éclairées… À cet instant, il se disait que sur les bords du Saint-Laurent, seulement, le Canadien, en toute saison de l’année, peut trouver l’agrément et le confort…

Tout-à-coup, il s’arrête et prête l’oreille du côté d’une fenêtre d’un deuxième étage d’où partait une voix qui chantait :

Un Canadien errant.
Banni de ses foyers,
Parcourait en pleurant
Les pays étrangers.

La mélancolique petite ballade, que nous avons tant de fois entendu murmurer par nos mères, quand, sur leurs genoux, elles nous berçaient, le soir, près du foyer, était chantée, ce soir-là, par une voix jeune de femme, qui mêlait à ces notes populaires toute la tristesse d’une âme délaissée.