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méchante petite chambre nue, sans ornement, sans rien qui réjouit la vue. Une tranche de pain avec un morceau de fromage et un verre d’eau sont bien vite engloutis par un ouvrier qui a travaillé fort durant la journée ;… et c’est le frugal souper que vient de prendre ce pauvre ennuyé…

Cet ouvrier, l’a-t-on reconnu ? Non, assurément, tant il n’est plus le même. C’est Paul Pelletier…

Ah ! ils sont loin, déjà, les beaux jours de la Malbaie et ceux, encore plus ensoleillés, de la Baie des Ha ! Ha !… La réalité dérange parfois nos idées comme le mouvement dérange une draperie. Lui qui croyait que la réalité c’était la liberté, la fortune, le plaisir : non, c’était le rêve, cela ; et la réalité, elle était là-bas, à la ferme, dans la pauvreté décente, même dans les petites privations, sauvegardes de la dignité…

Et ce soir, appuyé mélancoliquement à l’unique fenêtre de sa chambre, Paul essaya de scruter, dans l’horizon des cheminées qui lui bornent la vue et les innombrables fils métalliques qui passent au-dessus de sa tête, les secrets décevants de cette vie qu’il avait imaginée si belle et qui était si triste. Hélas ! la bonne fée qui l’avait conduit jusqu’ici s’était envolée ; le charme était rompu et une première expérience de la vie lui apprenait qu’il ne faut pas con-