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dans le ciel presqu’assombri et la monstrueuse ville de fer est assoupie dans une torpeur ardente et lourde… Les voitures-réservoirs à tuyaux d’arrosage, grelottent dans le blême silence et, dans les rues à la mode, les roues caoutchoutées des voitures de gala font un bruit de luxe, conforme à l’ambiance…

La journée de travail est finie.

Le port, où, masses sombres et trapues, s’allongent les quais d’Hoboken sur lesquels a travaillé tout le jour une nuée de débardeurs, se déserte peu à peu, et chaque ouvrier, délabré, en sueurs, reprend le chemin du domicile… À travers un dédale de rues tristes et tortueuses, placardées d’affiches multicolores et bordées de cheminées puantes, de fourneaux et d’usines, un jeune homme s’avance, à pas lents, fatigué, harassé… Indifférent à tout, il ne semble rien voir, rien entendre : ni les sonneries rapides et précipitées des tramways électriques qui coupent les avenues et les ruelles, ni les grelots des fiacres qui se pressent et les fers des chevaux qui frappent l’asphalte, ni les autos qui, lourdement cornent, ni les airs mélancoliques des orgues de Barbarie, au fond des cours humides et noires, que de pauvres hères tournent continuellement des journées entières… Un escalier branlant qui craque sous les pas, une porte criarde qui s’ouvre, et notre jeune homme se trouve dans une