Page:Potvin - Le membre, 1916.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
LE « MEMBRE »

la moindre transition, avec solution parfaite de continuité, Donat Mansot eût été capable de tout.

Se refaire !… Mille projets alors traversent, comme un éclair, son esprit… projets tous aussi malhonnêtes les uns que les autres. Un instant, il eut honte de lui ; une rougeur lui monta au front et il se détourna de son ami.

« Au reste, pensa-t-il tout-à-coup, de quoi pourrait-il s’étonner, lui, ce Lamirande ? Serait-il plus scrupuleux pour les autres qu’il ne l’a été pour lui ou qu’il ne le serait le cas échéant ? N’était-ce pas lui, qui le premier, tout à l’heure, lui avait fait surgir dans l’esprit ce diabolique moyen de profiter de sa promotion : se refaire !… »

Maintenant, Donat Mansot en veut décidément à son ami pour la rougeur qui lui est montée au front, tantôt. De quoi se mêle-t-il ?… vraiment ? Lui appartient-il de venir faire ici la rosière ?…

Donat Mansot s’en va vers l’unique fenêtre de sa chambre qui plonge dans la cour de la cathédrale anglaise. Il n’ose plus regarder Lamirande qui ne comprend rien de l’attitude de son ami.

« Enfin, de quoi se plaindrait-il, celui-là, ce Lamirande. N’a-t-il pas lui-même tout essayé ?… pour se refaire ? Tant pis pour lui s’il n’en a pas eu les moyens ! Pourtant, il en avait bien besoin… »

Un groupe d’étudiants passe en chantant sous la fenêtre…

« Pauvre Lamirande ! continua le membre, en se parlant à lui-même, il fut un temps où il avait la prétention d’être le seul avocat qui n’endormît pas se