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LE « MEMBRE »

séparerait de cette façon le domaine forestier du domaine de la colonisation, et toutes les misères, de ce côté, seraient finies, grâce à cette exportation en masse des marchands de bois dans l’Ungava… »

Maintenant, sur la route toute blanche éclairée seulement de la lumière falote des étoiles qui brillent dans le bleu sombre d’un beau ciel d’hiver, les convives du « banquet Mansot », étourdis et somnolents, engoncés dans les paletots fourrés, retournent en leurs demeures.

Dans un large « berlot » qui les conduit à la station du chemin de fer, Donat Mansot et Octave Lamirande sont silencieux. On dirait que le trot régulier et monotone du petit cheval et le son des grelots tintinnabulants les ont endormis pour toujours… Sur le petit siège de la voiture, le cocher, la tête penchée, semble dormir, lui aussi…

Tout à coup, Lamirande comme s’il se réveillait soudain, se tourne vers son ami :

« Mon vieux, lui dit-il, tu viens de signer ton arrêt de mort… »

— Hein ?… Quoi ?…

— …Oui, ta mort politique.

— Explique-toi… enfin !

— Mais, malheureux !… l’Ungava ?… Cette suggestion !… Mais où avais-tu donc la tête ?…

Et l’on n’entendit plus, dans la nuit claire, que les grelots monotones et le grincement des lisses d’acier du « berlot » sur la neige durcie.