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XXVIII
PRÉFACE

français y a interpolé vingt-deux noms de bannerets et trente-deux noms de bacheliers, mais sans désignation de prénoms, et termine ainsi sa liste :

« Et est à bien scavoir que les noms des simples chevaliers et écuyers de Bretagne ne sont ici compris. »

Cette lacune a été comblée au XVIIe ou même au XVIIIe siècle par l’interpolation de soixante-quatorze noms nouveaux appartenant tous à des familles existantes, où non seulement les prénoms sont donnés, mais souvent même les noms de seigneuries. Parmi ces seigneuries, nous en avons remarqué quelques-unes attribuées en 1057 à des familles qui ne les ont possédées que depuis 1600. On peut juger par là du degré de confiance que mérite cette pièce informe, citée toutefois sérieusement par les généalogistes modernes. L’un d’eux, qui florissait à la fin du dernier siècle, parcourait les châteaux de Bretagne, où il se présentait comme généalogiste agrégé de l’ordre du Saint-Esprit. Sous le couvert de cette enseigne, il délivrait des expéditions de la charte de 1057 certifiées conformes à l’original, et des généalogies aussi sérieuses, commençant invariablement à l’an 1000, généalogies que nos pères, plus occupés de guerre ou de chasse que du dépouillement de leurs archives, acceptaient de confiance et payaient sans marchander.

Le juge d’armes d’Hozier, Chérin, généalogiste des ordres du Roi, et Berthier, adjoint en survivance, seuls commissaires officiels pour délivrer les expéditions des jugements et les certificats de noblesse, arrêtaient les preuves les plus rigoureuses à l’année 1400, dans l’impossibilité où étaient et où sont encore la plupart des familles d’établir régulièrement une filiation suivie au-delà de cette époque. Mais le généalogiste agrégé ou officieux (car son nom est absent des almanachs royaux et de la cour, des États militaires et de la marine, et de la France ecclésiastique), n’était pas embarrassé pour remonter de l’an 1400 à l’an 1000, avec les noms et prénoms de toutes les mères, et les dates de naissance, de mariage et de décès des vingt générations qu’il accordait généreusement aux familles qui en avaient prouvé dix au plus à la Réformation. Il est donc superflu d’insister sur la valeur des généalogies signées Delvincourt.

En présence de la diminution incessante de la noblesse et de l’extinction si rapide des familles, on peut être surpris que sur 250 chevaliers bretons qui firent en 1248 le voyage de Damiette, il existe encore, après plus de six siècles, 75 familles de leur nom, c’est-à-dire plus d’un tiers. Aussi, n’est-ce pas avec une confiance absolue que nous avons admis l’authenticité de tous les titres du cabinet Courtois, produits pour l’inscription des croisés au musée de Versailles. Toutefois, comme ils ont été déclarés vrais par des archivistes-paléographes plus compétents que nous, nous avons maintenu les noms de ces croisés dans notre ouvrage, mais avec la réserve qui précède pour ceux qui n’ont d’autres titres, que ceux découverts si à propos en 1842, lors de la création du musée[1].

  1. Ces documents provenant, dit-on, de la banque de Saint-Georges, à Gênes, consistent pour la plupart en petits parchemins de 17 centimètres de longueur, sur 7 centimètres de hauteur, renfermant les noms de quatre croisés, associés pour donner pouvoir à un marinier de Nantes, de traiter de leur passage de Chypre à Damiette, en 1249. En voici le texte uniforme : Universis præsentes litteras inspecturis, notum sit quod nos N… milites (aliàs : armigerii) ad communem custum transfretationis associati