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XX
PRÉFACE

tions, seraient bien clairsemées de nos jours, si la noblesse ne s’était pas recrutée au moyen des anoblissements, dans une proportion au moins égale aux extinctions[1]. »

Partisan avant tout de la vérité historique, sans transaction, comme sans favoritisme, mais sans parti pris d’exclusion, nous avons cherché à nous distinguer à la fois des austères et des complaisants ; nous n’avons d’ailleurs qualité ni pour réformer des jugements souverains, ni pour suppléer à ceux qui n’ont point été rendus ; notre rôle, beaucoup plus modeste, est celui de rapporteur impartial et en même temps bienveillant. Nous méprisons et les auteurs envieux et les auteurs faméliques, pamphlétaires ou adulateurs suivant le prix qu’ils trouvent de leur plume. — La vérité, rien que la vérité, mais pas toute la vérité, si elle a quelque chose de blessant pour des familles respectables. Dans cette mesure, nous avons pensé que le meilleur moyen de donner aujourd’hui de l’intérêt à une publication héraldique, était d’innover dans la forme et d’élargir son cadre en dehors des arrêts de la Réformation de 1668-1671, dont le dispositif a été tant de fois imprimé. Deux siècles se sont écoulés depuis cette époque, et les familles nobles ressemblent aux feuilles de la forêt : il en tombe et il en naît à chaque hiver et à chaque printemps. Que de printemps et que d’hivers, plusieurs terribles, se sont succédé depuis 1668 ! Si déjà, à la Réformation, on avait éliminé toutes les familles qui ne justifiaient pas de deux siècles de notoriété, combien auraient été déclarées nobles ? — Un bien petit nombre, puisqu’il aurait fallu défalquer toutes les familles anoblies par charges. Aujourd’hui, nous avons le produit de deux siècles à recueillir, sans compter les familles qui n’ont pas fait valoir leurs droits ou prétentions en 1668 et celles qui n’ont pas pu ou su en obtenir la consécration ; et, pour atteindre ce but, nous avons réuni, à l’instar des Anglais, la gentry à la nobility. Or, l’ancienne bourgeoisie de deux siècles au moins est la gentry française. Sa présence dans un ouvrage qui n’est plus seulement un Nobiliaire, mais aussi un Armorial, se justifie de plus en ce que les arrêts de maintenue, qui prouvent bien la noblesse des familles qu’ils mentionnent, ne prouvent pas absolument la roture des autres.

Il n’y eut, en effet, à produire leurs preuves en 1668 que les familles qui furent appelées à les présenter. Un arrêt du Conseil d’État du 22 mars 1666 prescrivait à tous les notaires de donner communication de leurs registres, protocoles et minutes et d’envoyer aux préposés et commissaires départis pour la recherche des usurpateurs, les noms et demeures de tous les individus qui dans ces actes avaient pris la qualité d’écuyer ou de chevalier et s’étaient fait mettre, de leur autorité, au nombre des exempts dans les rôles des tailles des trois dernières années[2]. On n’imposait pas aux curés, détenteurs des actes de l’État civil, la même obligation qu’aux notaires ; aussi les actes d’église n’étaient reçus dans toutes les preuves que comme justificatifs de filiation et jamais de qualité. C’est donc à tort qu’on les invoque

  1. De la noblesse et de l’application de la loi contre les usurpations nobiliaires, — 3e édition, Paris, Aubry, 1859, page 60.
  2. Abrégé chronologique d’édits, déclarations, règlements, arrêts et lettres-patentes des rois de France de la troisième race, concernant le fait de noblesse, par Chérin, généalogiste des ordres du Roi, 1787. Une autre ordonnance du 4 septembre 1696 obligea les notaires à fournir la déclaration des noms, surnoms et demeures de tous ceux qui, dans des actes, depuis 1668, avaient pris les qualités de noble homme, écuyer, messire et chevalier.