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Les fées acceptèrent cette épreuve et les échos du bois retentirent de frais éclats de rire, provoqués par cette singulière idée. Richesse prit sa baguette d’or ; Médiocrité, sa baguette d’argent ; Misère, sa baguette de frêne, et la dirigeant chacune vers le chemin par lequel elles étaient venues, on vit bientôt paraître dans la clairière, les trois fillettes qu’elles avaient évoquées. Richesse choisit Lucile, la plus belle ; Médiocrité, Léa, la plus jolie ; Misère se contenta de Lucette, la moins agréable.

Le cor retentit, des cris tumultueux s’élèvent de toute part. Les sangliers, les chevreuils affolés quittent les fourrés et se livrent à des courses désordonnées. Les oiseaux volent et se heurtent dans l’air. Les cavaliers, couverts de splendides vêtements ; les nobles dames dans leur costume de brocart, la toque ornée de longues plumes blanches qu’agite le vent, passent rapidement, s’enfoncent dans la forêt, suivis des piqueurs portant la livrée, des veneurs vêtus de cuir, la trompe en sautoir, le fouet à la main, et des chiens, accouplés et hardés en grappes.

Le bois retentit de joyeuses fanfares !

C’est la chasse royale qui passe !

— Au revoir, dit Misère à ses deux sœurs : dans dix ans, jour pour jour, toutes au rendez-vous !

— C’est convenu, répondirent Richesse et Médiocrité.

Et chacune reprit le même chemin qu’en arrivant, accompagnée de sa fillette : Richesse semant la route de ses pierreries, dont les petits oiseaux ne voulaient pas ; Médiocrité, cueillant des fleurs ; Misère, ramassant le bois mort.

Et, la curée finie, le silence se fit dans la forêt !…

Dix ans se sont écoulés. Les trois fées arrivent en même temps à la clairière. Misère seule est accompagnée de sa pupille dont la figure est un peu pâle et maigre. Richesse a vieilli, ses diamants se sont transformés en strass.

Elle craint de perdre ses biens qu’on lui convoite. Médiocrité, parée encore de similor, en est toujours au régime débilitant des poètes chantant ses louanges. Seule, la fée Misère n’a pas changé. Elle dit, s’adressant à Richesse :

— Où est Lucile ?

— Je lui avais tout donné. Sa vie était une fête perpétuelle ; mais blasée de tout, sans plaisir et sans joie, elle s’est éteinte à dix-huit ans.

— Et Léa ?

— L’ingrate m’a abandonnée ; fatiguée du monde, elle s’est retirée dans un cloître. En vain, j’ai cherché à lui démontrer