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roisse le mariage de Michel Van Biesbrouck, sculpteur, et de Liévine Geerolfs.

Les portes des salons s’ouvrirent bientôt devant Liévine ; car en la voyant si gracieuse, si jolie la noble famille dans laquelle elle était entrée reconnut bientôt que la beauté est la plus légitime des aristocraties, puisqu’elle est octroyée par Dieu à ses créatures privilégiées.

Il en est de l’art comme de toutes les bonnes choses : quand on en a goûté on y revient. Michel, devenu sculpteur par amour, le resta par goût. Quand il allait avec Liévine voir les vieux parents, couronnés de cheveux, blancs et d’années, ils ne pouvaient l’un et l’autre s’empêcher, en passant la petite porte, de jeter un regard attendri sur la poutre sculptée qui orne encore aujourd’hui l’humble maison de la rue des Ciseaux.





LES TROIS FÉES



Les étoiles pâlissent lentement. La forêt s’emplit de bruits mystérieux. Une lumière se fait au qui sème d’or le feuillage. C’est le premier reflet empourpré de l’aube qui se montre à l’horizon et se découpe sur le profil des arbres. Le soleil se lève ! Il lance ses flèches d’or sur le ciel et la terre qu’il embrase. Il monte, dorant les cimes et tirant de chaque goutte de rosée une étincelle de feu. Place au dieu du jour !

Les oiseaux s’éveillent. Avant toute chose, ils chantent l’hymne au matin, tandis que l’angélus sonne à la chapelle voisine. L’eau, courant sur les cailloux, dit sa chanson d’aurore. Les peupliers secouent dans l’azur leurs panaches flexibles, ils soupirent de lentes mélopées et réveillent les moucherons qui s’en vont danser une ronde effrénée dans un gai rayon de soleil.

Tout est lumière, fraîcheur, verdure, parfum. Le tapis de serpolet est émaillé de boutons d’or. La table est mise pour le déjeuner de Jeannot Lapin. Un écureuil saute de branche en branche. Il va se désaltérer à la source limpide et cristalline.

Trois femmes arrivent, par des chemins différents, à la clairière. L’une d’elles est la fée Richesse ; l’autre, la fée Médiocrité ; la troisième, la fée Misère.