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des objets matériels. Sur quoi porteraient donc les expériences qui serviraient de fondement à la géométrie ? La réponse est facile.

Nous avons vu plus haut que l’on raisonne constamment comme si les figures géométriques se comportaient à la manière des solides. Ce que la géométrie emprunterait à l’expérience, ce seraient donc les propriétés de ces corps.

Les propriétés de la lumière et sa propagation rectiligne ont été aussi l’occasion d’où sont sorties quelques-unes des propositions de la géométrie, et en particulier celles de la géométrie projective, de sorte qu’à ce point de vue on serait tenté de dire que la géométrie métrique est l’étude des solides et que la géométrie projective est celle de la lumière.

Mais une difficulté subsiste, et elle est insurmontable. Si la géométrie était une science expérimentale, elle ne serait pas une science exacte, elle serait soumise à une continuelle révision. Que dis-je ? elle serait dès aujourd’hui convaincue d’erreur puisque nous savons qu’il n’existe pas de solide rigoureusement invariable.

Les axiomes géométriques ne sont donc ni des jugements synthétiques à priori ni des faits expérimentaux.

Ce sont des conventions ; notre choix, parmi toutes les conventions possibles, est guidé par des faits expérimentaux ; mais il reste libre et n’est limité que par la nécessité d’éviter toute contradiction. C’est ainsi que les postulats peuvent rester rigoureusement vrais quand même les lois expéri-