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Pour discuter cette opinion, nous devons d’abord nous demander quelle est la nature des axiomes géométriques.

Sont-ce des jugements synthétiques à priori, comme disait Kant ?

Ils s’imposeraient alors à nous avec une telle force, que nous ne pourrions concevoir la proposition contraire, ni bâtir sur elle un édifice théorique. Il n’y aurait pas de géométrie non euclidienne.

Pour s’en convaincre, qu’on prenne un véritable jugement synthétique à priori, par exemple celui-ci, dont nous avons vu au chapitre premier le rôle prépondérant :

Si un théorème est vrai pour le nombre 1, si on a démontré qu’il est vrai de n + 1, pourvu qu’il le soit de n, il sera vrai de tous les nombres entiers positifs.

Qu’on essaie ensuite de s’y soustraire et de fonder, en niant cette proposition, une fausse arithmétique analogue à la géométrie non euclidienne, — on n’y pourra pas parvenir ; on serait même tenté au premier abord de regarder ces jugements comme analytiques.

D’ailleurs, reprenons notre fiction des animaux sans épaisseur ; nous ne pouvons guère admettre que ces êtres, s’ils ont l’esprit fait comme nous, adopteraient la géométrie euclidienne qui serait contredite par toute leur expérience ?

Devons-nous donc conclure que les axiomes de la géométrie sont des vérités expérimentales ? Mais on n’expérimente pas sur des droites ou des circonférences idéales ; on ne peut le faire que sur