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Qu’on me permette, afin d’abréger le langage, d’appeler continu mathématique du premier ordre tout ensemble de termes formés d’après la même loi que l’échelle des nombres commensurables. Si nous y intercalons ensuite des échelons nouveaux d’après la loi de formation des nombres incommensurables, nous obtiendrons ce que nous appellerons un continu du deuxième ordre.


Deuxième stade. — Nous n’avons fait encore que le premier pas ; nous avons expliqué l’origine des continus de premier ordre ; mais il faut voir maintenant pourquoi ils n’ont pu suffire encore et pourquoi il a fallu inventer les nombres incommensurables.

Si l’on veut s’imaginer une ligne, ce ne pourra être qu’avec les caractères du continu physique, c’est-à-dire qu’on ne pourra se la représenter qu’avec une certaine largeur. Deux lignes nous apparaîtront alors sous la forme de deux bandes étroites, et si l’on se contente de cette image grossière, il est évident que si les deux lignes se traversent, elles auront une partie commune.

Mais le géomètre pur fait un effort de plus : sans renoncer tout à fait au secours de ses sens, il veut arriver au concept de la ligne sans largeur, du point sans étendue. Il n’y peut parvenir qu’en regardant la ligne comme la limite vers laquelle tend une bande de plus en plus mince, et le point comme la limite vers laquelle tend une aire de plus en plus petite. Et alors, nos deux bandes,