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probabilité subjective et ce que j’ai appelé la probabilité objective.


II. — La probabilité dans les sciences mathématiques. — L’impossibilité de la quadrature du cercle est démontrée depuis 1883 ; mais, bien avant cette date récente, tous les géomètres considéraient cette impossibilité comme tellement « probable », que l’Académie des sciences rejetait sans examen les mémoires, hélas ! trop nombreux, que quelques malheureux fous lui envoyaient tous les ans sur ce sujet.

L’Académie avait-elle tort ? Évidemment non, et elle savait bien qu’en agissant ainsi, elle ne risquait nullement d’étouffer une découverte sérieuse. Elle n’aurait pu démontrer qu’elle avait raison ; mais elle savait bien que son instinct ne la trompait pas. Si vous aviez interrogé les académiciens, ils vous auraient répondu : « Nous avons comparé la probabilité pour qu’un savant inconnu ait trouvé ce qu’on cherche vainement depuis si longtemps, et celle pour qu’il y ait un fou de plus sur la terre ; la seconde nous a paru plus grande. » Ce sont là de très bonnes raisons, mais elles n’ont rien de mathématique, elles sont purement psychologiques.

Et si vous les aviez pressés davantage, ils auraient ajouté : « Pourquoi voulez-vous qu’une valeur particulière d’une fonction transcendante soit un nombre algébrique ; et si π était racine d’une équation algébrique, pourquoi voulez-vous que