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sert pas uniquement à dissimuler notre emprunt ?

La contradiction nous frappera davantage si nous ouvrons un livre quelconque de mathématiques ; à chaque page l’auteur annoncera l’intention de généraliser une proposition déjà connue. Est-ce donc que la méthode mathématique procède du particulier au général et comment alors peut-on l’appeler déductive ?

Si enfin la science du nombre était purement analytique, ou pouvait sortir analytiquement d’un petit nombre de jugements synthétiques, il semble qu’un esprit assez puissant pourrait d’un seul coup d’œil en apercevoir toutes les vérités ; que dis-je ! on pourrait même espérer qu’un jour on inventera pour les exprimer un langage assez simple pour qu’elles apparaissent ainsi immédiatement à une intelligence ordinaire.

Si l’on se refuse à admettre ces conséquences, il faut bien concéder que le raisonnement mathématique a par lui-même une sorte de vertu créatrice et par conséquent qu’il se distingue du syllogisme.

La différence doit même être profonde. Nous ne trouverons pas par exemple la clef du mystère dans l’usage fréquent de cette règle d’après laquelle une même opération uniforme appliquée à deux nombres égaux donnera des résultats identiques.

Tous ces modes de raisonnement, qu’ils soient ou non réductibles au syllogisme proprement dit, conservent le caractère analytique et sont par cela même impuissants.