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Tel philosophe prétend que toute la physique s’explique par les chocs mutuels des atomes. S’il veut dire simplement qu’il y a entre les phénomènes physiques les mêmes rapports qu’entre les chocs mutuels d’un grand nombre de billes, rien de mieux, cela est vérifiable, cela est peut-être vrai. Mais il veut dire quelque chose de plus ; et nous croyons le comprendre parce que nous croyons savoir ce que c’est que le choc en soi ; pourquoi ? Tout simplement parce que nous avons vu souvent des parties de billard. Entendrons-nous que Dieu, en contemplant son œuvre, éprouve les mêmes sensations que nous en présence d’un match de billard ? Si nous ne voulons pas donner à son assertion ce sens bizarre, si nous ne voulons pas non plus du sens restreint que j’expliquais tout à l’heure et qui est le bon, elle n’en a plus aucun.

Les hypothèses de ce genre n’ont donc qu’un sens métaphorique. Le savant ne doit pas plus se les interdire, que le poète ne s’interdit les métaphores ; mais il doit savoir ce qu’elles valent. Elles peuvent être utiles pour donner une satisfaction à l’esprit, et elles ne seront pas nuisibles pourvu qu’elles ne soient que des hypothèses indifférentes.

Ces considérations nous expliquent pourquoi certaines théories, que l’on croyait abandonnées et définitivement condamnées par l’expérience, renaissent tout à coup de leurs cendres et recommencent une vie nouvelle. C’est qu’elles exprimaient des rapports vrais ; et qu’elles n’avaient pas cessé de le faire quand, pour une raison ou pour