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isoler une petite portion du spectre, mais, si petite qu’elle soit, elle conservera une certaine largeur. De même, les lumières naturelles dites monochromatiques nous donnent une raie très fine, mais qui n’est pas cependant infiniment fine. On pourrait supposer qu’en étudiant expérimentalement les propriétés de ces lumières naturelles, en opérant avec des raies spectrales de plus en plus fines, et en passant enfin à la limite, pour ainsi dire, on arrivera à connaître les propriétés d’une lumière rigoureusement monochromatique.

Cela ne serait pas exact. Je suppose que deux rayons émanent d’une même source, qu’on les polarise d’abord dans deux plans rectangulaires, qu’on les ramène ensuite au même plan de polarisation et qu’on cherche à les faire interférer. Si la lumière était rigoureusement monochromatique, ils interféreraient ; mais, avec nos lumières à peu près monochromatiques, il n’y aura pas d’interférence, et cela si étroite que soit la raie ; il faudrait, pour qu’il en fût autrement, qu’elle fût plusieurs millions de fois plus étroite que les plus fines raies connues.

Ici donc, le passage à la limite nous aurait trompés ; il a fallu que l’esprit devançât l’expérience et, s’il l’a fait avec succès, c’est qu’il s’est laissé guider par l’instinct de la simplicité.

La connaissance du fait élémentaire nous permet de mettre le problème en équation ; il ne reste plus qu’à en déduire par combinaison le fait complexe observable et vérifiable. C’est ce qu’on