Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chose d’inattendu, d’extraordinaire ; c’est qu’on va trouver de l’inconnu et du nouveau.

L’hypothèse ainsi renversée a-t-elle donc été stérile ? Loin de là, ou peut dire qu’elle a rendu plus de services qu’une hypothèse vraie ; non seulement elle a été l’occasion de l’expérience décisive, mais on aurait fait cette expérience par hasard, sans avoir fait l’hypothèse, qu’on n’en aurait rien tiré ; on n’y aurait rien vu d’extraordinaire ; on n’aurait catalogué qu’un fait de plus sans en déduire la moindre conséquence.

Maintenant à quelle condition l’usage de l’hypothèse est-il sans danger ?

Le ferme propos de se soumettre à l’expérience ne suffit pas ; il y a encore des hypothèses dangereuses ; ce sont d’abord, ce sont surtout celles qui sont tacites et inconscientes. Puisque nous les faisons sans le savoir, nous sommes impuissants à les abandonner. C’est donc là encore un service que peut nous rendre la physique mathématique. Par la précision qui lui est propre, elle nous oblige à formuler toutes les hypothèses que nous ferions sans elle, mais sans nous en douter.

Remarquons, d’autre part, qu’il importe de ne pas multiplier les hypothèses outre mesure et de ne les faire que l’une après l’autre. Si nous construisons une théorie fondée sur des hypothèses multiples, et, si l’expérience la condamne, quelle est parmi nos prémisses celle qu’il est nécessaire de changer ? Il sera impossible de le savoir. Et inversement, si l’expérience réussit, croira-t-on avoir